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JEAN AULAGNIER - CONSEIL EN GESTION DE PATRIMOINE
27 août 2010

Supprimer la clause type des contrats d'assurance vie

 

"Il faut remplacer la clause bénéficiaire standard des contrats d’assurance" 

(Article paru dans la revue Profession CgP, n° d'octobre 2009)

Depuis toujours les compagnies d’assurance proposent dans les bulletins d’adhésion une clause bénéficiaire standard : « mon conjoint, à défaut mes enfants vivants ou représentés, … ».

Cette proposition, justifiée dans les contrats de prévoyance décès, vise à remettre à l’époux survivant un capital destiné à la famille composée d’enfants souvent mineurs.

Les compagnies ont maintenu dans les contrats vie cette clause type. A début, cette clause allait plutôt bien. Elle permettait de doter l’époux survivant de capitaux, encore modeste, et de participer ainsi un peu de sa protection. Elle figure encore aujourd’hui dans les bulletins d’adhésion. Sauf que les sommes en jeu ne sont plus les mêmes.

En maintenant une clause standard, qui fait du conjoint le bénéficiaire exclusif du capital, l’assurance devient un instrument d’exclusion et donc de possible frustration pour les enfants et descendants. Ils commencent à percevoir, et cette prise de conscience ne fera que s’accroitre, que cette désignation « proposée » participe d’un accroissement indirect de la quotité disponible permise entre époux.La fraction du patrimoine mise hors succession par l’article L 132-12 du Code des assurances, augmente régulièrement avec l’usage croissant que les épargnants font, et avec raison, de l’assurance vie. Cette fraction profite quasi exclusivement au conjoint. Certes, les enfants, ou plus largement les héritiers, disposent d’une possibilité d’action pour éventuellement obtenir la réduction de cet avantage en agissant sur le fondement des primes manifestement exagérées prévues par l’article L 132-13 du code des assurances. Sauf qu’au vu de la jurisprudence actuelle, il est difficile de démontrer l’inutilité du contrat, seul moyen pourtant d’obtenir le rapport à succession de tout ou partie des primes. Toute action judiciaire sur ce fondement a fort peu de chances d’aboutir. Les réservataires ne sont plus protégés.

La clause type est devenue, sans nécessairement que cela ait été voulu, un instrument de contournement des règles de la réserve héréditaire.

On ne peut poursuivre dans cette voie. Il faut renoncer à une clause type qui risque dans un terme plus ou moins proche de remettre en cause les règles juridiques propres à l’assurance, règles de plus en plus dérogatoires à l’ordre successoral.

Mais par quoi la remplacer ? Deux propositions peuvent être envisagées. Elles ne sont pas nécessairement exclusives l’une de l’autre. Elles peuvent parfaitement se côtoyer dans le bulletin d’adhésion.

1° proposition : Une autre clause type : « mes héritiers »

2° proposition : Ne rien proposer et indiquer simplement : « voir votre conseiller patrimonial »

A -  « Mes héritiers »

Cette clause est de nature à répondre à nos préoccupations. Elle associe dans le bénéfice du contrat d’assurance tous les héritiers, conjoint et descendants. Plus d’exclusion. En associant les enfants elle écarte tout sentiment de frustration. Elle évite toute tentation de recourir au juge. Elle répartit le patrimoine, mis hors succession par le code des assurances, comme est réparti le patrimoine laissé dans la succession. Si par exemple en présence de deux enfants le conjoint choisit de recevoir 1/3 en pleine propriété du patrimoine successoral, il recevra également 1/3 du bénéfice du contrat d’assurance. S’il choisit la totalité en usufruit, il bénéficiera de la totalité en usufruit du capital issu du contrat.

Cette proposition « est dans l’air du temps ». Elle s’accommode, sans risque, d’un usage croissant de l’assurance vie. On constatera avec intérêt que des réponses ministérielles récentes[1] sont venues préciser : « qu’il n'y a pas lieu d'interpréter la notion d'héritier de manière différente selon qu'elle s'applique en droit des successions ou en droit des assurances ».

B – « Voir votre conseiller patrimonial »

On ne surprendra probablement personne si l’on précise que cette proposition a largement notre préférence. Elle est un  moyen de renforcer et d’affirmer la place du conseiller patrimonial dans la souscription des contrats d’assurance de capital différé.

Le rôle du conseiller ne peut s’arrêter au choix de l’allocation d’actifs, ou au choix du montant des sommes placées en assurance. Le contrat d’assurance est à la fois, une stipulation pour soi-même et une stipulation pour autrui. Plus on reconnaît la pertinence du contrat d’assurance comme instrument de vie, plus les sommes non utilisées au jour du décès de l’assuré pourraient être importantes.

Il faut partager ces sommes issues du contrat, entre les héritiers, sommes de plus en plus importantes. Ce partage ne peut résulter que d’une clause bénéficiaire adaptée à la diversité des situations familiales rencontrées, clause qui respectera les droits des héritiers réservataires. Il faut remplacer une volonté supposée : clause standard, par une volonté exprimée : clause sur mesure. Cette clause « adaptée » doit être rédigée et proposée par le conseiller patrimonial. Chacun doit trouver sa place. Au conseiller patrimonial de revendiquer une place active dans cette rédaction. A  la compagnie d’assurance de respecter cette mission tout en jouant pleinement son rôle qui doit être, non pas de valider la clause proposée, mais d’apprécier sa clarté et sa précision, car ce sera à elle d’en assurer l’application.

Le conseiller patrimonial, qui justifie d’une compétence spécifique[2] d’une part, qui accepte et souhaite remplir cette mission d’autre part, doit pouvoir intervenir activement sans dépendre d’une compagnie d’assurances qui exercerait une tutelle.

La rédaction de la clause bénéficiaire n’est pas du « monopole » des compagnies. La jurisprudence n’a d’ailleurs pas manqué de critiquer les compagnies qui en proposant une clause type s’immisce dans l’exercice d’un droit personnel du stipulant.

Une clause bénéficiaire peut être rédigée par le stipulant, seul, par simple lettre autographiée, comme il peut rédiger seul son « testament ».. La compagnie n’en aura connaissance qu’au jour de son application. Si la rédaction est « imparfaite » ce n’est pas de sa responsabilité.

Les compagnies ne font pas encore assez confiance. Elles doutent que les conseillers patrimoniaux aient capacité à proposer des clauses librement adaptées à la diversité des situations rencontrées. Il est vrai que tous les conseillers patrimoniaux n’ont ni la compétence ni l’envie d’exercer cette mission. Par facilité ou pour se dégager de toute responsabilité, des  conseillers peuvent se satisfaire de cette clause type. C’est la compagnie qui propose.

Quand certains d’entre eux rédigent des clauses un peu différentes, ils se heurtent parfois aux réticences des compagnies fortes de leurs certitudes et de leurs habitudes. De quoi décourager les mieux intentionnés.

L’assurance vie est au cœur du métier de conseiller patrimonial. La rédaction de clauses « attributaires » fait pleinement partie de leur métier, comme la rédaction de clauses testamentaires fait partie du métier de notaire. Les conseillers patrimoniaux peuvent par une rédaction sur mesure justifier d’honoraires de conseils.

 

Jean Aulagnier

Président AUREP

Octobre 2009



[1] RM Roubaud JM, n° 8657, JOAN 16/06/2008, p. 5252, RM Laffineur M. n° 44814, JOAN 28/07/2009, p. 7515

[2] Pour proposer une clause bénéficiaire spécifique il faut justifier de la compétence juridique appropriée, disposer d’un diplôme de 3ème cycle en Gestion de Patrimoine, comme par exemple celui de l’Université d’Auvergne.

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Commentaires
V
Les promoteurs d'assurance-vie ont effectivement tendance à faire l'impasse sur l'importance du choix de la clause bénéficiaire. Elle est pourtant essentielle !
JEAN AULAGNIER - CONSEIL EN GESTION DE PATRIMOINE
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